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La pomme de terre
Thursday 16 September 2010, by
Les pommes de terre provoquent chez certaines personnes des réactions cutanées ou respiratoires au moment de l’épluchage (ex ).
Les réactions d’origine alimentaire avec la pomme de terre cuite ont surtout été décrites chez l’enfant et, notamment, dans un cadre d’eczéma atopique .
La prévalence de l’allergie à la pomme de terre est mal cernée.
- En test cutané, mais les tests commerciaux sont basés sur des extraits de pomme de terre crue, il a été trouvé une positivité pour 7 % d’enfants avec suspicion d’allergie alimentaire (Finlande ) ou 5,7 % pour des sujets consultant du fait de symptômes allergiques variés (Corée ).
Le rôle d’une pollinose est lui aussi mal cerné.
- Majamaa trouve un TC positif pour le bouleau chez 9 adultes avec TC positif pour la pomme de terre , mais seulement 9/27 dans une cohorte de 27 enfants .
- Et chez des enfants plus jeunes, cette proportion était de 1/12 .
- Dreborg notait des TC positifs pour la pomme de terre crue (mais pas si cuite) chez des enfants polliniques au bouleau . D’ailleurs, la pomme de terre faisait partie des aliments qui ont suscité la découverte du syndrome bouleau-aliments .
Dans d’autres études rassemblant un nombre plus élevé de sujets , la présence ou l’absence d’une sensibilisation pollinique n’était pas indiquée.
La forme clinique des réactions allergiques est elle-même mal précisée dans certains travaux : dermite de contact ou allergie alimentaire ? .
- Cette dernière prend parfois une forme sévère mais est plus volontiers un syndrome oral chez l’adulte ou une réaction cutanée retardée chez l’enfant atteint d’eczéma atopique .
- Une partie des réactions à la pomme de terre ressort donc d’autres mécanismes que l’allergie immédiate, ce qui complique à la fois la diathèse clinique et l’exploration à visée diagnostique (TC, tests in vitro).
La stabilité des allergènes à la cuisson peut enfin ajouter un élément de complexité :
- parfois la réactivité pour la pomme de terre persiste après cuisson , parfois elle disparaît .
- Le degré de cuisson pourrait jouer : un cas d’allergie à la pomme de terre cuite à 100°C mais pas aux frites a été rapporté . Dans cet exemple, la réactivité en blot disparaissait après chauffage à 120°C.
Les allergènes de pomme de terre
Plusieurs allergènes ont été caractérisés dans la pomme de terre.
La patatine (Sola t 1) est une glycoprotéine à activité phospholipase .
- Elle représente environ 40 % des protéines dans la pomme de terre et possède un rôle mixte de stockage d’azote et de défense végétale .
- Etant glycosylée, la patatine est sujette à une réactivité de type CCD. Et, du fait de son importance quantitative dans la pomme de terre, la réactivité in vitro de cette dernière est elle-même affectée par la présence d’IgE anti-CCD dans le sérum des patients.
- La réactivité de la patatine est abaissée par le chauffage (ex. ébullition) , cela étant du à une agrégation de la patatine avec d’autres protéines .
- La patatine appartient à la même famille de protéines que l’allergène Hev b 7 du latex.
- Cela a suscité un intérêt particulier concernant une éventuelle "allergie croisée" latex-pomme de terre (cf. latex-pomme de terre).
- Si la patatine est glycosylée, Hev b 7 ne l’est pas et les inhibitions en blot d’une bande compatible avec Hev b 7 par la patatine ont fait croire à une réactivité croisée importante.
- En fait il a été montré par la suite que ces inhibitions consistaient principalement en une réaction croisée CCD entre la patatine et un autre allergène du latex, Hev b 13 : ce dernier est en effet glycosylé et…. migre au même niveau qu’Hev b 7 !
- La prévalence de positivité in vitro pour la patatine est de 50 à 71 % chez des enfants allergiques et/ou TC positifs à la pomme de terre .
- Chez l’adulte la prévalence semble plus faible (13-43%) .
Trois inhibiteurs de protéase, nommés Sola t 2, t 3 et t 4, ont été trouvés IgE-réactifs chez des enfants avec allergie ou réactivité cutanée à la pomme de terre .
- Sola t 2 est un allergène glycosylé.
- Dans une étude, Sola t 3 et Sola t 4 (non glycosylés) étaient inhibables pour Sola t 2 .
- La réactivité sérique différait peu entre les enfants avec seulement un TC positif et ceux avec une allergie : environ 50 % pour Sola t 2 et Sola t 3 et 67 % pour Sola t 4. Ces réactivités plutôt fréquentes se retrouvaient aussi en TC .
- La relevance clinique de ces 3 allergènes est mal cernée, d’autres études seraient nécessaires. Cependant il a été montré que ces allergènes résistaient bien à la digestion intestinale .
Une PR-10 Bet v 1-like , une profiline et une beta 1,3-glucanase ont aussi été décrites IgE-réactives dans la pomme de terre.
Pour Asero, la pomme de terre fait partie des aliments « non-LTP » .
Diverses variétés de pomme de terre ont été comparées in vitro sans montrer de différences significatives d’IgE-réactivité de l’une à l’autre. De même après cuisson à différentes températures .
Latex et pomme de terre
Chez des sujets avec TC positif ou allergie à la pomme de terre, la réactivité pour le latex semble peu fréquente : 1 cas/9 chez des adultes , aucun cas/12 chez des jeunes enfants .
Par contre, chez des patients adultes allergiques au latex, Beezhold a montré que des réactions locales au contact de la pomme de terre étaient possibles (7 cas/ 47 patients). Et ce travail a mené à la caractérisation d’Hev b 7 dans le latex .
Cet allergène étant une patatine-like, une association latex-pomme de terre serait possible.
Différents éléments sont en défaveur d’une telle allergie croisée :
- si 49 % des adultes allergiques au latex et positifs en TC pour la pomme de terre étaient positifs in vitro pour rHev b 7, aucun des enfants dans la même situation n’était positif pour rHev b 7 .
- Parmi 15 adultes allergiques au latex (dont 9 présentaient une allergie avec la pomme de terre) et positifs pour rHev b 7, aucun n’était positif en blot pour la patatine . Logiquement, rHev b 7 ne parvenait à inhiber la pomme de terre chez ces patients.
- Parmi 29 adultes allergiques au latex mais cette fois négatifs pour rHev b 7, une positivité pour rSola t 1 (patatine) était trouvée chez 5 des 14 sujets avec allergie au contact des pommes de terre et chez 2/15 de ceux seulement avec un TC positif . Cependant, dans les 2 cas, rHev b 7 ne parvenait à inhiber la réactivité à rSola t 1. Cette dernière était donc peu dépendante d’une sensibilisation initiale par Hev b 7, c’est-à-dire par le latex.
- Pas d’inhibition de la pomme de terre par le latex (contrairement à l’inverse) chez des patients avec allergie à la tomate .
- Parmi 16 professionnels de santé avec allergie au latex et positifs en blot pour Hev b 7, la patatine ne parvenait à inhiber Hev b 7 que chez 2 sujets ; et chez 7 enfants avec dermatite atopique et positifs en blot pour la patatine, aucun n’était positif pour Hev b 7 .
Ces différents résultats ne sont pas en faveur d’une allergie à la pomme de terre suscitée par une allergie au latex.
Dans le cas des enfants, il faut souligner le rôle de l’eczéma atopique qui semble important, que l’enfant soit sensibilisé ou non au latex.
Pour l’adulte, la réactivité clinique à la pomme de terre est insuffisamment précisée : les patients réagissant par une urticaire ou une rhinite ou un asthme relèvent probablement d’une physio-pathogénie différente de celle présidant aux réactions alimentaires.
Pour parler d’allergie alimentaire à la pomme de terre associée à la sensibilisation au latex chez l’adulte, il faudrait des travaux plus convaincants. Quoi qu’il en soit, le lien Hev b 7-patatine est peu pertinent.