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La pomme
dimanche 28 mars 2010, par
Prévalence de l’allergie à la pomme
L’allergie à la pomme chez les patients polliniques au bouleau est une association clinique connue de tous.
Si la reconnaissance de cette allergie "croisée" date de 1977, il faudra attendre 1991 pour que la base moléculaire de cette association soit expliquée .
Le syndrome bouleau-pomme a été un des premiers syndromes montrés associer un aliment à un non-aliment. Cela a été facilité par la grande fréquence de cette association clinique dans certains pays : Europe continentale et septentrionale, y compris France, Bénélux, Italie du nord, etc…
Le syndrome bouleau-pomme s’inscrit dans un cadre plus général d’allergies alimentaires associées à la pollinose au bouleau, concernant notamment d’autres fruits des Rosacées (cf. Les Rosacées).
Quand l’allergie est confirmée par un TPO, la prévalence dans ces régions contraste avec celle observée dans des régions méditerranéennes dépourvues de bouleau :
47 % au Danemark contre 3 % à Madrid sur la base d’un recrutement du fait d’une pollinose .
Une histoire clinique d’allergie à la pomme est évoquée par 44-63 % des polliniques au bouleau en France, en Autriche, aux Pays-Bas, en Finlande, en Suède et par 18-28 % des polliniques au bouleau en Italie .
Chez des sujets recrutés pour une allergie alimentaire autre que la pomme, il a été relevé :
- en Allemagne et/ou en Suisse :
- 60 % d’histoires cliniques positives pour la pomme parmi des allergiques aux isolats de soja ,
- 90 % parmi des allergiques au soja ou aux pousses de soja et
- 96 % parmi des allergiques à la cerise .
- Ces taux montrent bien l’implication importante de la pollinose au bouleau dans ces pays sur la survenue d’allergies alimentaires liées aux pollens.
- En France : 35 % d’allergie à la pomme chez des sujets allergiques au céleri
- En Italie : près de 100 % d’histoires cliniques positives pour la pomme dans la région Milanaise chez des sujets polliniques au bouleau et manifestant un syndrome oral ou étant trouvés mono-Bet v 1 positifs in vitro .
- en Espagne : 45 % en cas d’allergie à la cerise et 63 % en cas d’allergie à la noisette , ces 2 allergies alimentaires étant ici majoritairement liées à une sensibilisation vis à vis de LTP.
- En Grèce : 13 % ou 54 % , chez des patients allergiques au raisin. L’implication des LTP est là aussi importante.
Au total, l’allergie à la pomme n’est pas limitée au syndrome bouleau-pomme : de nombreux patients provenant de pays où le bouleau ne peut croître rapportent aussi des réactions alimentaires avec la pomme.
La grande différence entre le syndrome bouleau-pomme et l’allergie à la pomme due à des LTP réside dans la sévérité éventuelle des réactions cliniques :
- si le syndrome bouleau-pomme se cantonne à des réactions localisées, l’allergie à des LTP peut conduire à des réactions systémiques.
- Cela tient à la fois à l’allergénicité propre des protéines mais aussi à leur résistance à la chaleur et à la digestion : les PR-10 sont thermolabiles et très facilement dégradées en milieu stomacal, tandis que les LTP résistent très bien à ces deux environnements.
- Les profilines ont une position intermédiaire et leur impact clinique sera modéré, discernable surtout en l’absence de sensibilisations dominantes comme le bouleau (PR-10) ou la pêche (LTP) par exemple.
- en France, la survenue d’une réaction sévère à la pomme est relativement rare. Malgré tout, 7 cas ont été rapportés par le Réseau d’Allergo-Vigilance (mai 2010, 900 déclarations).
On pourra se rapporter au chapitre consacré aux Rosacées pour une approche détaillée des diverses composantes d’une réactivité à la pomme, et notamment :
- fréquences selon les pays et le recrutement des patients
- prévalences de positivités aux allergènes de pomme
- démarche diagnostique face à une suspicion d’allergie à la pomme.
Il en est de même pour les relations entre immunothérapie au pollen de bouleau et allergie à la pomme.
Deux aspects méritent cependant d’être cités ici, qui concernent la pomme et le bouleau :
- la possible exacerbation d’un eczéma atopique, tant chez l’adulte que chez l’enfant , y compris sans réaction immédiate et/ou IgE positives
- le rôle éventuel de Mal d 1 dans le maintien de la sensibilisation au bouleau entre les saisons polliniques, Mal d 1 étant apte à activer les cellules T-spécifiques de Bet v 1 .
Les allergènes de la pomme
On retrouve dans la pomme les mêmes sortes d’allergènes que dans la pêche, notamment une PR-10 (Mal d 1), une LTP (Mal d 3) et une profiline (Mal d 4).
Mal d 1
Mal d 1 a été caractérisé et cloné dès 1994-95 . Le syndrome « bouleau-pomme » se trouvait ainsi expliqué au niveau moléculaire : la sensibilisation à Bet v 1 induit une réactivité à Mal d 1 .
Mal d 1 est retrouvé dans la pulpe et dans la peau de pomme.
Mal d 1 n’est pas à proprement parler un seul allergène :
- comme pour d’autres protéines PR-10, Mal d 1 se présente sous un grand nombre d’isoformes (n=18), dont l’IgE-réactivité n’est pas égale
- à maturité du fruit, les gènes de certaines isoformes sont exprimés plus que d’autres. On a ainsi : mal d 1.02 > Mal d 1.01 > Mal d 1.03 >> Mal d 1.04
- mais, a contrario, l’IgE-réactivité de Mal d 1.01 est supérieure à celle de Mal d 1.02 …
Du fait de la fréquence de l’allergie "croisée" bouleau-pomme, on s’attendrait à trouver un fort pourcentage d’identité entre Mal d 1 et Bet v 1.
- Il n’en est rien : ce pourcentage est d’environ 55 %, c’est-à-dire en dessous du seuil de 70 % souvent cité comme un minimum pour une réactivité croisée aisée.
- En fait, le pourcentage d’identité global est un reflet imparfait de l’homologie sur le plan de l’IgE-réactivité car beaucoup d’allergènes, dont les PR-10, sont des protéines repliées sur elles-mêmes : les épitopes sont à la surface de la protéine à l’état natif.
- Et le pourcentage d’identité entre Mal d 1 et Bet v 1 est nettement plus élevé en surface que globalement (71%) .
Mal d 1, comme d’autres protéines PR-10, forme des dimères à l’état naturel :
- cette propriété peut contribuer à l’allergénicité par duplication d’un même épitope facilitant la dégranulation.
Une protéine appelée MdAP est associée à Mal d 1 dans le fruit : on ignore cependant si cette protéine joue un rôle dans l’allergénicité de Mal d 1.
Mal d 2
Mal d 2 appartient à la famille des protéines thaumatine-like (TLP) et a des homologues dans d’autres fruits (cerise, poivron, kiwi, etc..) et des pollens (Cupressacées).
Mal d 2 se présente sous 2 isoformes dont l’une est glycosylée . Comme pour d’autres TLP, Mal d 2 migre en SDS-PAGE à une masse apparente (31 et 33 kDa) supérieure à sa masse réelle (20 et 22 kDa). Ce qui peut entraîner des interprétations erronées en blot.
Les pourcentages d’identité entre Mal d 2 et les TLP des Cupressacées sont modérés (50 % avec Jun a 3, la TLP de genévrier) et un peu meilleurs avec la TLP de cerise, Pru av 2 (72 %). D’ailleurs Mal d 2 croise avec Pru av 2.
Les taux de Mal d 2 augmentent avec la maturité du fruit, la peau renfermant plus de Mal d 2 que la pulpe .
La prévalence de positivité pour Mal d 2 est variable selon les études et les pays (cf. tableau plus bas). Le chiffre de 72 % initialement donné par Hsieh n’a pas été confirmé ailleurs.
Une réactivité croisée entre Mal d 2 et le pollen de bouleau a été montrée , faisant se poser la question de la présence d’une TLP dans le pollen de bouleau. Mais il est vraisemblable que cette réactivité croisée ait été le reflet de CCD car Mal d 2 est sensible à ce type de réactivité .
Mal d 3
Mal d 3 est une protéine de transfert lipidique (LTP) se présentant sous plusieurs isoformes.
Mal d 3 est en concentrations supérieures dans la peau de pomme : 3 à 30 fois celles de la pulpe, selon les cultivars .
C’est l’allergène responsable de la majorité des réactions alimentaires pour la pomme en milieu méditerranéen.
La positivité pour Mal d 3 peut renseigner aussi sur l’importance des signes cliniques :
- une étude espagnole a montré une mono-positivité pour Mal d 3 chez 70 % des sujets avec réaction systémique.
- Inversement, la mono-positivité pour Mal d 4 (profiline) ou Mal d 2 (TLP) s’accompagnait uniquement de réactions limitées à la sphère orale.
Mal d 4
La profiline de pomme, Mal d 4, n’a pas été beaucoup étudiée, la place des profilines dans l’allergie à la pomme étant réduit à un rôle de "remplaçant" (= pas de bouleau, pas de LTP) .
Les profilines n’ont cependant pas un rôle négligeable comme le montrent les 39 % d’histoires cliniques positives pour la pomme chez des sujets mono-Bet v 2 .
Autres protéines IgE-réactives
Une isoflavone réductase est suggérée par un test de réactivité croisée .
Toutes les pommes sont-elles allergisantes ?
De nombreux travaux tentent actuellement de produire par transgénèse des variétés hypoallergéniques (anallergiques ?) de pomme .
En attendant, toutes les variétés actuelles de pomme sont plus ou moins allergisantes et la question est de savoir si l’on ne peut proposer au patient allergique une variété de pomme et déconseiller certaines autres.
Certaines pommes ont-elles moins d’allergènes ?
Les travaux comparant les variétés de pomme ont à faire face à de multiples problèmes :
- au niveau des pommes elles-mêmes :
- variations des taux d’allergènes pour un même cultivar d’un verger à un autre, selon le climat, selon l’altitude,..
- variations d’une année sur l’autre, d’un lot à un autre la même année
- varaitions d’un fruit à un autre, et même au sein d’un même fruit !
- conditions culturales : lumière, apports en eau, rendements, maladies… Marzban n’a pas trouvé cependant de différences significatives pour Mal d 1 entre pommes « bio » ou non .
- problèmes rencontrés au cours de l’extraction des allergènes (oxydation de Mal d 1 par des polyphénol oxydases, formations d’agrégats d’allergènes, etc…) et au moment de l’analyse . Chaque procédé a ses avantages et ses défauts. La comparaison de résultats obtenus avec des techniques différentes est difficile.
Le tableau ci-dessous montre des résultats obtenus pour Mal d 1 dans la pulpe de pomme (taux en µg/g). NB : la comparaison vaut non pas sur un plan quantitatif d’une étude à l’autre, mais en ce qui concerne le classement du plus riche au moins riche des cultivars.
variété/cultivar | |||
---|---|---|---|
Mela campanina | 33 | 16 | |
Ambrosia | 14 | 27 | |
DL35 bio | 14 | 29 | |
Fuji | 13 | 51 | |
Golden | 12 | 5,5 | |
G198 | 3,5 | 5 | |
G185 | 1,5 | 14 | |
G362 | 1,5 | 9 | |
Orim | 1 | 2,5 |
Il en est de même pour la LTP, Mal d 3, dans la peau de pomme :
variété/cultivar | |||
---|---|---|---|
Starking | 55 | ||
Pink lady | 27 | 8 | |
Fuji | 23 | 9 | 50 |
Gala | 13 | 3 | |
Reineta parda | 13 | ||
Golden | 12 | 12 | 60 |
Granny | 10 | 17 | 100 |
Canada | 2 | ||
Topaz | 165 | ||
Santana | 70 | ||
Ecolette | 30 |
Certains travaux se sont tournés vers la quantification de l’expression des gènes (ARN) plutôt que de mesurer les protéines produites. Si les techniques de biologie moléculaire ciblent très exactement tel ou tel allergène (et même telle ou telle isoforme), cette approche souffre cependant d’un défaut : les résultats qu’elles procurent sont une photographie à un instant T de la production des protéines mais pas le reflet des concentrations accumulées dans le fruit jusqu’à cet instant T.
Malgré tout, les résultats obtenus par Botton avec ces techniques vont aussi dans le sens d’un non parallélisme de la production des allergènes d’une variété de pomme à une autre. Telle pomme moins riche en Mal d 1 peut s’avérer plus riche entre d’autres allergènes. L’ordre décroissant listé ci-dessous le montre (les niveaux pour la LTP, Mal d 3, ne sont pas présentés car le travail était centré sur la pulpe de pomme) :
- Mal d 1 : Golden > Fuji > Braeburn > Granny
- Mal d 2 : Braeburn >> Golden et Granny > Fuji
- Mal d 4 : Golden > Granny > Braeburn > Fuji
Certaines pommes sont-elles plus sûres ?
Bolhaar a comparé la réactivité cutanée vis à vis de 21 variétés de pomme en cas de sensibilisation aux PR-10 :
- Certaines variétés ont une réactivité plus faible (Santana, Braeburn, ..), d’autres une réactivité moyenne (Fuji, Idared, Granny, …) et d’autres une réactivité élevée (Elstar, Golden, Gala, ..). A noter : dans une autre étude travaillant sur des extraits de pomme, on avait au contraire le plus souvent des TC Granny > Golden
En TPO, une moindre allergénicité a été retrouvée avec la variété Santana dans l’étude de Bolhaar et dans une autre étude menée elle aussi aux Pays-Bas .
Mais Asero n’a pas retrouvé cette gradation d’allergénicité : chez des patients Italiens, des variétés de pomme à taux faibles de Mal d 1 avaient une allergénicité similaire à la variété Golden, y compris en TPO.
En ce qui concerne les patients qui réagissent à Mal d 3, la LTP de pomme, un travail a tenté de relier les taux de Mal d 3 dans la peau de pomme avec la réactivité cutanée . Mais si la variété Starking, la plus riche en Mal d 3, donnait un TC positif chez les 10 patients testés, les variétés Golden et Reineta parda donnaient respectivement 8 et 2 TC positifs bien qu’ayant les mêmes taux de Mal d 3.
Des discordances similaires sont vues dans les résultats de Sancho où la moyenne des diamètres en TC natif est équivalente entre Golden et Topaz. D’ailleurs en TPO si les 2 patients testés étaient positifs avec la Topaz, 2 des 3 patients testés avec la pomme Ecolette l’étaient aussi … bien que cette variété ait 5 fois moins de LTP.
Au total, il n’existe pas de pomme "sûre" pour le moment. D’autant que, comme le note Fernández-Rivas (citée par ), la moitié des réactions à la pomme en Espagne surviennent dès la première bouchée …
Pour les patients qui réagissent du fait d’une sensibilisation au bouleau, le moyen le plus simple pour éviter l’allergénicité reste de consommer la pomme une fois cuite.
Allergénicité de la pomme et stabilité des allergènes
Stockage des pommes
Les pommes en attente de commercialisation sont stockées au froid sous atmosphère contrôlée en oxygène et CO2. L’évolution des concentrations en allergènes a été étudiée au cours du stockage. Des résultats variés ont été enregistrés, certains auteurs repérant une élévation des taux de Mal d 1 et/ou Mal d 2 , quand d’autres constataient une baisse de Mal d 3 , voire une diminution de la réactivité cutanée .
Chaleur
Mal d 1 est très sensible à la chaleur :
- 2 minutes au micro-ondes suffisent pour négativer la réponse en TPO .
- Chez les sujets qui sont sensibilisés à des PR-10 mais pas à des LTP, cette thermolabilité permet la consommation de pommes cuites :
- La chaleur participe aussi à la diminution d’allergénicité de produits dérivés de la pomme, comme les gelées, compotes ou jus concentrés de pomme .
- D’ailleurs certains auteurs utilisent ces jus concentrés comme placebo en TPODA .
S’agissant de Mal d 2, une étude a montré qu’une réactivité (in vitro) subsiste pour cet allergène dans un jus de pomme non clarifié, mais disparaît dans un jus clarifié . La chaleur ne suffit donc pas en soi dans le cas de Mal d 2 pour éliminer l’IgE-réactivité.
La stabilité de la LTP, Mal d 3 est très bonne :
- l’allergénicité est conservée après 30 min à 100 °C, y compris en TPO .
- Dans les conditions extrêmes (2 heures à 100°C), la réactivité vis à vis de Mal d 3 est abaissée, mais cela est limité en présence de glucose .
Digestion
Si Mal d 3 et Mal d 2 résistent très bien à la digestion, tant gastrique que duodénale , Mal d 1 est détruit en moins de 30 secondes .
Cette instabilité de Mal d 1 est avancée pour expliquer l’absence de réactions systémiques pour la pomme dans le cadre du syndrome bouleau-pomme.
Cependant, une étude montrait que si des patients Italiens ou Espagnols conservaient logiquement une IgE-réactivité vis à vis d’un extrait de pomme soumis à une digestion gastrique simulée, une fraction des patients a priori réactifs à Mal d 1 (ex. Néerlandais) présentait encore une IgE-réactivité vis à vis de cet extrait digéré . Rôle d’autres allergènes ?