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Les protéines PR-10
lundi 8 février 2010, par
Des protéines PR-10, ou protéines Bet v 1-like car leur chef de file est l’allergène Bet v 1 du pollen de bouleau, ont été montrées IgE-réactives dans de nombreux pollens ou aliments d’origine végétale.
Les protéines végétales de défense ou PR-protéines (PR = pathogenesis-related) sont fréquemment des allergènes. La raison en est inconnue pour le moment.
Comme pour nombre d’autres familles de protéines PR, un rôle physiologique accompagne le rôle défensif, tout dépendant des conditions de stress ou de croissance qui prévalent à un moment précis .
C’est le cas aussi pour les PR-10.
Il se pourrait que la multiplicité des isoformes d’une même protéine réponde justement à des actions défensives pour certaines, physiologiques pour d’autres.
Cela a été suggéré pour Bet v 1 parmi la cinquantaine d’isoformes sous lequel cet allergène est exprimé dans la plante (pollen, racines, etc…) .
Différentes actions ont été attribuées aux protéines PR-10, dont le transport de phyto-hormones (stéroïdes, cytokinines) ou une activité ribonucléase .
Si plusieurs travaux concordent pour reconnaître à Bet v 1 le transport des ligands dans une cavité interne de sa molécule , l’activité ribonucléase de Bet v 1, suggérée par certains auteurs , est contestée par d’autres .
Récemment, il a été montré que Bet v 1 avait une affinité pour les couches lipidiques membranaires . Cette action peut-elle favoriser l’allergènicité de Bet v 1 lors du contact muqueux ?
Comme d’autres familles de protéines, les PR-10 partagent une similitude partielle avec d’autres familles de protéines.
Les PR-10 font ainsi partie d’un clan de 11 familles de protéines dites « Bet v 1-like » (Pfam CL0209) . La famille « Bet v 1 » elle-même comprend les PR-10 mais aussi
- des protéines dites MLP (major latex proteins) présentes dans le latex de pavot, le melon, le concombre, le poivron, le fraisier, etc…
- des protéines CSBP (cytokinine-specific binding proteins), par exemple dans le haricot mungo
Globalement l’homologie entre MLP ou CSBP et PR10 est très réduite (env. 25-30 %), ce qui rend peu probable une allergie croisée PR-10 bouleau - MLP melon, par exemple.
NB : dans Allerdata, pour des raisons de compréhension simplifiée, les homologues de Bet v 1 (comme Mal d 1, Cor a 1, etc..) sont parfois dénommés « Bet v 1-like », même si cette appellation renvoie théoriquement au clan entier tel que défini dans la base Pfam
Les protéines PR-10 sont multigéniques
La présence d’isoformes d’une même protéine n’a pas que des avantages pour la plante : elle favorise aussi des réponses immunologiques variables.
Parmi la trentaine d’isoformes de Bet v 1 dans le pollen de bouleau, certaines ont une forte IgE-réactivité (Bet v 1a) quand d’autres ont une IgE-réactivité faible ou nulle (Bet v 1d ou Bet v 1l) . Or il suffit du changement d’un seul acide aminé par rapport à Bet v 1a pour constater une modification profonde de l’IgE-réactivité : il faut des quantités très importantes de ces isoformes hypo-réactives pour inhiber Bet v 1a .
On voit l’importance que revêt de petites modifications de séquence sur l’allergénicité relative des PR-10 des différentes Fagales et, plus encore entre Bet v 1 et les PR-10 d’aliments encore plus éloignés botaniquement. On peut citer les différences entre Cor a 1.01 (pollen de noisetier) et Cor a 1.04 (le "même allergène" dans la noisette) ; ou encore entre Dau c 1.01 et Dau c 1.02 pour la carotte.
Les tableaux de pourcentage d’identité au sein de la famille des PR-10 sont donc des approximations, même si un pourcentage à 45 % entre 2 allergènes en moyenne pourra difficilement atteindre 80 % entre certains isoformes de ces allergènes.
Ayant à l’esprit l’espoir de pouvoir créer des variétés hypo-allergéniques de plantes à visée alimentaire (ex. pomme ), plusieurs équipes ont cherché à positionner les zones ou les acides aminés qui étaient déterminants pour l’IgE-réactivité.
Bet v 1, comme Pru av 1 (cerise), a un site de liaison IgE sur une boucle dite "boucle P" de sa molécule . Le changement de la sérine en position 45 sur cette boucle réduit fortement l’IgE-réactivité de Bet v 1 . Cette substitution n’affecte pas la structure 3D de Bet v 1.
Mais d’autres différences de séquence entre PR-10 peuvent aboutir à de fines disparités au niveau spatial en surface. Ainsi, il a été montré que les pourcentage d’identité entre acides aminés en surface (accessibles aux IgE) étaient mieux corrélés à l’allergénicité que les pourcentages d’identité globaux classiques : Cor a 1.04 (noisette) plus proche de Bet v 1 que Mal d 1 (pomme), lui-même que Gly m 4 (soja) et lui-même encore que Api g 1.01 (céleri).
Ces différences se retrouvent dans les prévalences de positivité : chez des sujets rBet v 1 positifs la fréquence de positivité pour rMal d 1 est supérieure à celle pour rApi g 1 ou rDau c 1 .
Une autre approche fait appel à des "mimotopes" : ces peptides sont screenés avec des IgE de patients reconnaissant un allergène précis. Cette méthode donne une bonne idée des épitopes dits "discontinus", c’est-à-dire constitués par le rapprochement en surface d’acides aminés non contigus sur le polypeptide avant repliement de ce dernier. Avec des mimotopes, Mittag a montré que Pru av 1 (cerise) ne croisait pas avec des PR-10 de Fabacées comme Ara h 8 (arachide) ou Gly m 4 (soja) .
En testant les peptides mimotopes de ces allergènes chez 5 patients différents, ce même travail a aussi souligné un point important : la grande individualité des réponses immunologiques, même avec une technique s’approchant au mieux de la réalité 3D des allergènes. Le nombre de peptides mimotopes varie d’un sujet à un autre et d’un allergène à un autre ; aucun peptide identique chez 2 patients ; chaque patient a un motif particulier de surfaces couvertes par ces peptides…
En dehors des conséquences néfastes éventuelles sur le développement de la plante et de ses fruits , on voit que les mutations dirigées à visée hypo-allergénique peuvent difficilement résoudre l’allergénicité d’un aliment au niveau d’une population.
Homologie entre PR-10 et activation des cellules T
On sait que les épitopes T sont des séquences assez courtes d’acides aminés et que ces dernières sont présentées aux cellules T "linéarisées" dans le sillon des molécules CMH-II.
Les épitopes T sont indépendants des épitopes B et ne sont pas contraints par des paramètres tridimensionnels (ex. épitopes conformationnels). L’écart existant entre Bet v 1a et Bet v 1d au niveau de l’IgE-réactivité n’est pas reproduit au niveau des cellules T : les 2 protéines ont une immunogénicité similaire .
Cela a des conséquences importantes en terme de réactivité croisée : des allergènes peu immunogènes a priori sont susceptibles d’utiliser l’activation des cellules T par un autre allergène pour croiser avec leurs épitopes T. Ces allergènes peuvent donc en théorie générer secondairement une véritable sensibilisation à leur égard. Ils peuvent aussi maintenir l’activation des récepteurs T spécifiques de l’allergène qui avait été l’initiateur de la cascade immunologique. Par exemple, Mal d 1 génèrerait des IgE anti-Mal d 1 (en plus d’utiliser les IgE anti-Bet v 1) et Mal d 1 activerait les cellules T Bet v 1-spécifiques et favoriserait ainsi le maintien d’une allergie potentielle au bouleau entre les saisons polliniques .
Si la synthèse d’IgE anti-Mal d 1 n’a pas reçu de confirmation pour le moment, plusieurs travaux accordent crédit à cette réactivité croisée T pour Mal d 1, Dau c 1 (carotte) ou Cor a 1 (noisette) . La réactivité croisée T de Cor a 1 n’est d’ailleurs pas affectée par la digestion .
On conçoit que cette intervention d’allergènes alimentaires dans le maintien de la sensibilisation au bouleau pourrait aussi interférer dans l’efficacité de l’immunothérapie tant sur la pollinose que sur les allergies alimentaires qui y sont éventuellement associées. Ces points n’ont pas été élucidés pour le moment.