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Les CCD
mercredi 22 février 2012, par
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L’abréviation CCD a été introduite en 1981 par Aalberse . Elle signifie Cross-reactive Carbohydrate Determinant, ce qui veut dire Epitope Glucidique Croisant. On pourrait donc les nommer « EGC » en français, mais le vocable anglais est maintenant utilisé partout.
Du fait de leur très large champ de réactivités croisées, ces épitopes mériteraient également l’appellation de « panépitopes », à l’instar des profilines ou des tropomyosines que l’on donne comme des « panallergènes ».
En quoi consiste le « problème des CCD » ? En une discordance entre la réactivité in vitro de ces épitopes et l’absence de relevance clinique de cette réactivité. Par exemple, un CAP arachide positif alors que le patient a une histoire clinique négative et des tests cutanés négatifs.
Cette discordance n’est pas une « erreur de laboratoire » : des IgE se sont effectivement liées à des allergènes d’arachide au cours du test in vitro. Mais la réponse enregistrée est en partie (ou totalement) sans implication clinique.
La question des CCD aura donc bientôt 30 ans. Pourtant aucune solution à ce problème n’a été jusqu’à maintenant proposée par les industriels du diagnostic !
Il est vrai que, parallèlement, bien peu de travaux concernant des produits allergisants susceptibles d’être porteurs de CCD se sont préoccupés (ex. ) ou ont vérifié (ex. ) l’absence d’IgE anti-CCD dans le sérum des patients. De grandes études épidémiologiques (ex.) sont vraisemblablement faussées par la non prise en compte d’une réactivité de type CCD. Et des articles de synthèse concernant l’allergologie moléculaire ne citent parfois même pas cette dimension des CCD, alors que manifestement certains allergènes naturels sont potentiellement touchés .
Il en va de même pour l’immense majorité des travaux de réactivité croisée : un relevé effectué dans la base Allerdata (juillet 2009) indique que, sur les 300 études ayant montré une réaction croisée entre produits d’origine végétale, seules 21 mentionnaient qu’il pourrait s’agir de CCD ! Les travaux où l’absence de ce biais a été vérifiée font exception (ex. ) …
Plus étonnant encore, une très sérieuse mise au point sur les tests d’IgE-réactivité, publiée en 2010, destinée aux allergologues praticiens et cautionnée par les 2 sociétés savantes américaines d’allergologie (AAAAI et ACAAI) , ... ne mentionne même pas l’existence des CCD !!!...
En attendant que la situation s’améliore, il est donc important de connaître en quoi consistent ces fameux CCD afin de mieux interpréter les bilans d’IgE-réactivité sérique.
Nature des CCD
Les CCD sont donc des épitopes de nature glucidique. Il ne sera pas détaillé ici les multiples fonctions de ces glucides portés ici ou là sur certaines protéines, les « glycoprotéines ». Ces rôles sont si divers et importants qu’une branche spécifique de la biologie a vu le jour : la glycobiologie .
De nombreuses mises au point ont été rédigées concernant les CCD , la plus récente étant celle d’Altmann .
Il est néanmoins utile de préciser quelques points :
- les glucides présents sur les glycoprotéines ne sont pas juste transportés, comme l’est un ion calcium dans le cas des polcalcines ou un lipide s’agissant des LTP. Les sucres (ou « carbohydrates » en anglais) sont fixés sur la chaîne peptidique de la protéine.
- ces glucides forment fréquemment des enchaînements de sucres, des « chaînes glucidiques » encore appelées « glycannes ».
- le mécanisme cellulaire qui fixe ces glycannes sur la protéine se nomme « glycosylation ». Toutes les protéines d’un organisme ne sont pas « glycosylées » : chez l’Homme on estime à environ 50% les protéines « non glycosylées ».
- la glycosylation ne s’effectue pas au hasard sur le polypeptide : elle a lieu sur des « sites de glycosylation », à savoir une suite particulière d’acides aminés. On distingue ainsi 2 grandes catégories de glycannes :
Attention au vocabulaire !
Ce n’est pas le patient qui « a des CCD » mais ce sont les protéines de l’extrait testé qui portent des CCD.
Si l’on peut dire que le patient est « CCD positif », au vu de la positivité pour un CAP broméline par exemple, cela signifie qu’il possède des « IgE anti-CCD » en quantité mesurable dans son sérum.
Par ailleurs, on nomme « CCD » un ensemble de structures croisantes étudiées essentiellement dans les plantes et les venins d’hyménoptères. Ces chaînes glucidiques ont en commun d’avoir des sucres qui, par leur nature ou leur emplacement, sont immunogènes : principalement un xylose ou un fucose-1,3. Mais il existe beaucoup d’autres structures qui pourraient se prévaloir également du titre de CCD : par exemple, des glycannes sans xylose ni fucose mais avec des chaînes portant de nombreux mannoses, telles que fréquentes dans la classe des fungi. De même pour la séquence galactose-α-galactose récemment montrée IgE-réactive sur des protéines de mammifères (cf. plus loin).
On a donc affaire à plusieurs groupes ou « familles » de CCD.
Dans Allerdata il a été choisi de conserver le vocable de « CCD » pour désigner les glycannes les mieux connus, ceux rencontrés dans les produits d’origine végétale et certains invertébrés (ex. venins d’hyménoptères). On peut les qualifier aussi de « CCD classiques ».
Mais il sera peut-être plus clair un jour de différencier les CCD en CCD-FX (les « classiques » avec xylose et/ou fucose), en CCD-MM (les mannoses des fungi), en CCD-GG (les galactose-α-galactose des mammifères), etc..
Quels patients sont susceptibles de posséder des IgE anti-CCD ?
Sachant que l’on restreint la question aux « CCD classiques », deux catégories de patients sont principalement à risque :
- les polliniques
- les allergiques aux venins d’hyménoptères
Ces deux situations génèrent des IgE-réactivités de type CCD qui viennent par ailleurs perturber d’autres produits allergisants, notamment le latex et les aliments d’origine végétale.
Une troisième catégorie de patients a été décrite par Gonzalez-Quintela et Vidal dès 1994 : les alcooliques.
Une consommation excessive de boissons alcoolisées augmente les IgE totales , la fréquence de positivité (y compris cutanée) pour les aéroallergènes courants , ainsi que la prévalence d’une rhinite perannuelle .
Si l’on sait que l’éthanol est immuno-modulateur , on ignore le mécanisme exact de ce phénomène. La génétique n’explique pas tout . Et le type de boisson alcoolisée n’est pas en jeu .
Chez ces patients on peut trouver des résultats in vitro faussés par une réactivité CCD : c’est le cas pour le latex , les pollens et les venins d’hyménoptères , ou l’arachide . Cela touche aussi les tests d’orientation comme le Phadiatop !
Quantitativement, l’effet de l’alcool est plus discret que celui des pollens ou des venins : les réponses en broméline, par exemple, sont souvent < 1 kU/l. Ceci étant, la fréquence de positivité du Phadiatop a été montrée passer de 28% dans la population contrôle à 43% chez les gros buveurs !
Existe-t-il d’autres situations où le contact avec un produit allergisant peut générer des IgE anti-CCD ?
On pense d’abord au latex car il n’est pas rare d’observer des sujets « CCD-positifs » parmi les allergiques au latex. Classiquement, cette positivité est mise sur le compte d’une pollinose concomitante. Et, ce, au même titre que les CAP latex positifs sans TC positif ni allergie au latex rencontrés chez des polliniques ou allergiques aux venins d’hyménoptères .
Mais est-on bien sûr que le latex n’est pas capable, de lui-même, de susciter des IgE anti-CCD ? Pour répondre à cette question il suffirait de comparer, dans les cohortes d’allergiques au latex, la prévalence des sujets CCD-positifs sans « risque CCD » (pas de pollinose, pas d’allergie aux venins) à la prévalence des CCD-positifs parmi ceux « à risque ». Mais une analyse de la littérature (juillet 2009) montre que ces précisions sont absentes dans la quasi-totalité des travaux publiés. Tout au plus une étude mentionnait que les patients allergiques au latex et ayant un CAP positif inattendu pour l’abeille et/ou la guêpe (21/30 sujets) n’étaient ni allergiques aux hyménoptères ni poly-polliniques .
Des études ciblées sur cette question seraient donc utiles.
Si l’exposition au latex était montrée génératrice, en soi, de réactivité de type CCD, cela pourrait par ailleurs apporter crédit à l’ hypothèse physio-pathogénique suivante : seuls les contacts respiratoires et muqueux conduisent à une réponse IgE vis-à-vis des CCD, la voie alimentaire suscitant une réponse IgG ou pas de réponse du tout (ex. digestibilité des structures glucidiques).
En effet, d’autres contacts respiratoires semblent conduire à des prévalences non négligeables de « positivité CCD » : il s’agit des patients avec allergie respiratoire à la farine ou aux poussières de bois . On aurait donc un contact sensibilisant pour les CCD de nature directe, c’est-à-dire sans modification des protéines, soit par inhalation (pollens, latex, farine, bois), soit par injection (venins, latex).
Quelle fréquence pour la présence d’IgE anti-CCD ?
En simplifiant, on peut estimer aux alentours de 20% les chances de trouver positif un test comme la broméline chez un patient pollinique ou allergique à un venin d’hyménoptères.
Bien sûr, cela varie avec les cohortes étudiées et l’amplitude de sensibilisation des patients :
- pour les polliniques on peut relever des taux de 21 à 26% , 29% 31% ou 35% . Les poly-polliniques sont plus souvent « CCD positifs » , Mari donnant jusqu’à 75% de positifs chez ces patients .
- pour les venins d’hyménoptères, la présence d’IgE anti-CCD est plus souvent notée chez les patients doublement positifs in vitro : 47% des sujets pour Kochuyt , 57% pour Sturm , 10 patients/11 pour Mairesse . De même si l’on utilise des critères indirects : 80% de CAP positifs colza ou latex . En cas de mono-positivité abeille ou guêpe, les chiffres varient de 13 à 52% .
Que ce soit pour les polliniques ou pour les allergiques aux venins d’hyménoptères on voit que le risque d’un résultat in vitro faussé par la présence d’IgE anti-CCD est loin d’être négligeable.
Il faut donc se méfier des résultats pour les pollens, les venins, le latex et tous les aliments d’origine végétale. Il ne faut pas oublier non plus les tests regroupant ces produits (Phadiatop, FX5, etc..), ni ceux qui concernent des allergènes purs mais glycosylés (Ole e 1, Api m 1, etc..).
Une telle multitude se comprend aisément si l’on se rappelle que les réactions croisées des CCD sont beaucoup plus étendues que les réactions croisées classiques, celles qui engagent des épitopes peptidiques : les CCD ne connaissent pas les frontières de familles moléculaires. Et puisque les IgE facilitent aussi la présentation des antigènes, il est probable que la sensibilisation vis-à-vis d’épitopes glucidiques s’étend elle aussi par un mécanisme d’immunogénicité croisée .
A quoi ressemblent les CCD ?
Cette question n’est pas superflue : elle permet de mieux comprendre les différences existant entre chaînes glucidiques, c’est-à-dire les possibilités (et limites) de réactivité croisée de type CCD entre catégories de produits allergisants.
Elle éclaire aussi en quoi certaines glycoprotéines utilisées comme indicateurs d’IgE anti-CCD, comme « glyco-reporters », sont plus ou moins adaptées à tels ou tels produits ou allergènes.
Les chaînes glucidiques qui nous intéressent ici sont composées de sucres simples (mannose, xylose, fucose, etc..) ou modifiés (ex. N-acétyl-glucosamine). Du moins pour les « CCD classiques » qui sont des N-glycannes car des arabinoses sont IgE-réactifs sur des O-glycannes (ex. Art v 1) et des galactoses dans le cas des « alpha-Gal » des mammifères.
Les figures ci-dessous montrent quelques exemples de N-glycannes ainsi que la nomenclature simplifiée pour les décrire.
La grande différence entre un enchaînement d’acides aminés et une chaîne glycanne est que chaque sucre possède 4 ou 5 sommets au choix pour se lier au sucre précédent : on peut donc assister à des ramifications. Et une petite chaîne de 5-7 sucres peut générer (en théorie) une myriade de combinaisons différentes. Plus encore que 5-7 acides aminés ..
La diversité ne s’arrête pas là :
- au sein d’une même famille moléculaire, certaines protéines sont glycosylées et d’autres ne le sont pas. Par exemple, parmi les vicilines Ara h 1 est glycosylé mais la phaséoline du haricot ne l’est pas ; et parmi les cystéine protéases, l’actinidine (kiwi) et la papaïne ne sont pas glycosylées alors que la broméline l’est.
- une même protéine existe souvent sous des formes glycosylées et d’autres qui ne le sont pas (Ole e1, Fra e 1, Api m 1, ..)
- sur un même site de glycosylation pour une protéine donnée, les chaînes glucidiques sont elles-mêmes potentiellement diverses. La figure ci-dessous montre l’exemple de l’allergène Hev b 4 du latex .
D’emblée on peut en déduire que notre question des CCD ne pourra raisonnablement être abordée qu’à un niveau statistique : une mesure globale des réactivités des différentes chaînes glucidiques présentes dans le produit (ou l’allergène) testé.
Pour décrire cette « photo de groupe » on procède à une analyse complète de toutes les chaînes glucidiques présentes dans l’extrait du produit naturel. On obtient un « glycome », par analogie à un protéome ou à un génome.
Les travaux dédiés à la cartographie des glycomes de produits intéressant l’allergologie sont encore peu nombreux et nos connaissances sont donc encore fragmentaires. La figure ci-dessous reprend différents résultats obtenus par l’équipe d’Altmann .
On peut constater de grandes différences d’un produit à un autre, même au sein d’une famille taxonomique (ex. pois, soja, arachide). Malgré tout, les informations apportées par les glycomes peuvent aider à comprendre les CCD. Par exemple, les pollens de graminées possèdent une forte proportion de chaînes MUXF, de même que la broméline tirée de l’ananas, une autre monocotylédone ; et la pollinose aux graminées on le sait, suscite aisément des IgE reconnues par la broméline.
Existe-t-il des glycannes plus CCD que d’autres ?
En ce qui concerne les « CCD classiques » (pollens, venins), on pourrait résumer la situation ainsi :
- la présence d’un fucose en position 1,3 est essentielle ; mais pas d’IgE-réactivité liée aux fucoses en 1,6 ni pour ceux présents sur les « antennes » des glycannes (ex. Lewis a) (cf. figure)
- le xylose est important. Sa réactivité serait différente selon qu’un mannose lui est adjacent (MMX ou MMXF) ou non (MUX ou MUXF). Il semble que la présence d’un xylose booste la réactivité pour le fucose 1,3
- les antennes avec un groupe Gn ou Lewis a (cf. figure) seraient peu (voire pas ) IgE-réactives en soi. De même que les chaînes sans fucose ou les chaînes uniquement mannosylées.
- enfin les O-glycannes (ex. sur Art v 1) ont été peu étudiés mais leur IgE-réactivité semble nettement plus faible que celle des N-glycannes
A noter que, si les groupes Gn ou Lewis a semblent peu impliqués eux-mêmes dans l’IgE réactivité, cette dernière dépend beaucoup de la présence d’un fucose proximal en 1,3 : les chaînes GnGnXF par exemple sont clairement IgE-réactives . Aussi un pollen comme celui du bouleau, bien que très riche en structures Gn (cf. figure) peut générer des IgE anti-CCD, même si c’est à un degré moindre qu’un pollen de graminées.
La richesse en glycoprotéines dans un extrait peut également compenser un glycome moins favorable aux CCD. C’est le cas pour les pollens de Cupressacées dont les allergènes principaux possèdent avant tout des groupes Gn ou Lewis , mais présentent néanmoins une réactivité CCD significative .
Quels glycannes dans quels produits ?
On vient de le voir, les végétaux possèdent avant tout des chaînes qui sont CCD par la présence d’un xylose et/ou d’un fucose proximal en 1,3. Qu’en est-il pour d’autres classes de produits ?
- les mammifères : pas de xylose ni de fucose proximal 1,3. Donc pas de croisement avec les « CCD classiques ». Cependant les mammifères non-primates partagent des structures glucidiques susceptibles de croiser, les « alpha-Gal »
- les insectes : pas de xylose mais un fucose proximal en 1,3 est parfois rencontré. Donc croisement possible avec des glycannes d’origine végétale
- les fungi : pas de xylose ni de fucose proximal 1,3 sur les N-glycannes, mais des chaînes plus ou moins grandes de mannoses . Réactivité croisée improbable avec les « CCD classiques ». Ceci mériterait cependant d’être mieux étudié.
- les invertébrés : apparemment pas de xylose ni de fucose 1,3 chez les acariens, lesquels sont donc non-CCD a priori. On a trouvé parfois la présence de xylose et/ou de fucose 1,3 sur des protéines d’helminthes . Mais l’importance de ces structures dans le diagnostic in vitro est mal cernée . On sait que certains glycannes de mollusques peuvent comporter un xylose (ex. hémocyanine d’escargot). Là aussi les données sont très fragmentaires concernant une éventuelle réactivité de type CCD (ex. moule).
NB : une description plus détaillée des glycosylations de tel ou tel allergène est présente dans les différents articles d’Allerdata, au niveau de la section Allergènes.
De même, la question de l’influence des CCD sur les tests de diagnostic in vitro est abordée plus spécifiquement dans certains articles. La liste ci-dessous permet de s’y référer :
- Acariens
- Ambroisie
- Arachide
- Armoise
- Banane
- Blattes
- Bouleau
- Céleri
- Crustacés
- Cupressacées
- Escargots
- Fruits à coque
- Graminées
- Hyménoptères
- kiwi
- Laits
- Latex
- Mollusques marins
- Oeufs
- Oléacées
- Phanères de mammifères
- Tomate
- Viandes
Est-on sûr que les CCD n’ont pas de relevance clinique ?
Le cas des structures « alpha-Gal », abordé plus loin, étant mis à part, l’idée prévaut à l’heure actuelle que les « CCD classiques », ceux générés au contact des pollens ou des venins d’hyménoptères, n’ont pas de relevance clinique significative.
On peut déjà le présumer en constatant l’écart existant entre le nombre élevé de patients positifs in vitro pour tel produit et l’absence d’allergie à ce produit chez les mêmes patients. Citons simplement le cas de la broméline trouvée positive en CAP chez 23% des sujets contre 0,1% en TC . Ou encore une positivité en CAP aussi haute que 80% parmi des patients allergiques aux venins d’hyménoptères .
Si plusieurs auteurs ont réussi, ici ou là, à montrer qu’une activation cellulaire pouvait être imputée à des CCD (ex. en histamino-libération ou cytométrie de flux) , ces résultats ont été mis en doute. Il leur a été reproché notamment que les concentrations en glycoprotéines nécessaires pour observer une activation cellulaire étaient très supérieures à celles efficaces avec des « allergènes normaux » . Si cela semble avoir été le cas dans certains travaux , cet excès est moins visible d’autres fois .
Dernièrement, un travail de Mari a cherché à clore le débat . Une lactoferrine humaine (donc non CCD) a été recombinée et produite dans du riz. Elle a reçu ainsi une glycosylation de type végétal, c’est-à-dire CCD. De fait, chez des sujets connus pour avoir des IgE anti-CCD, cette lactoferrine recombinante était positive in vitro (24 sujets/29). Mais si elle parvenait également à activer les basophiles de 3 sujets/5 (à fortes concentrations), aucun de ces sujets n’a eu de TC ni même de TPO positif avec cette lactoferrine.
Ce travail conforte donc l’absence de relevance clinique des CCD. Certains auteurs restent prudents cependant, arguant que peut-être parfois, chez tel patient..
Il est vrai que de temps en temps des TC positifs semblent ressortir d’une liaison avec des épitopes glucidiques . Comment expliquer, par exemple, que Mari ait trouvé nettement plus de TC positifs pour la peroxydase de raifort chez des CAP positifs pour la broméline (21%) que dans l’ensemble de la cohorte étudiée (8%) ?
Schmid-Grendelmeier a trouvé une réactivité plus faible en TC et en TPN avec le recombinant non glycosylé (E. coli) qu’avec l’allergène naturel dans le cas d’Art v 1 (6 patients/32)
De même, parmi les (rares) patients chez qui toute l’IgE-réactivité in vitro semble glucidique , on a pu parfois montrer une allergie prouvée par TPO .
La question de la relevance clinique des « CCD classiques » n’est donc peut-être pas définitivement close.
Comment expliquer la non relevance clinique des réactivités CCD ?
Van Ree avait avancé l’hypothèse d’une monovalence , hypothèse reprise par Vieths : des allergènes qui ne possèdent qu’une chaîne glucidique ne peuvent dégranuler. Par exemple la broméline. Cependant, rien n’interdit qu’une liaison avec les IgE portées par un basophile ou un mastocyte n’engage 2 types d’IgE : une IgE se liant à un épitope glucidique et l’autre à un épitope peptidique adjacent. C’est même quasiment la règle en temps normal : il est extrêmement peu probable que 2 épitopes peptidiques adjacents soient identiques au point que 2 IgE identiques soient suffisantes pour la dégranulation. Une dégranulation « mixte », peptidique et glucidique est donc tout à fait envisageable . Une limitation physique pourrait cependant compliquer les choses, un « empêchement stérique » : il se peut en effet que la chaîne glucidique, normalement projetée à l’extérieur de la molécule, et dont la dimension n’est pas négligeable, rende difficile le contact simultané avec un épitope peptidique adjacent (cf. figure ci-dessous, une mannosidase code PDB 1DL2 ).
D’autant que, contrairement à une autre hypothèse , les épitopes glucidiques ne pêchent pas par une trop faible affinité vis-à-vis des IgE .
Altmann évoque une autre hypothèse : l’existence d’anticorps bloquants de type IgG. En effet, des IgG anti-CCD sont présentes chez des sujets ayant ou non des IgE anti-CCD mesurables dans leur sérum . On a montré également que l’immuno-thérapie pouvait générer des IgG anti-CCD . Il est donc tentant de suspecter un phénomène de tolérance acquise, lequel pourrait se développer à travers l’ubiquité des contacts alimentaires avec des glycannes végétaux.
Les « Alpha-Gal »
Les épitopes glucidiques croisants, plus connus sous la dénomination CCD, sont largement répandus dans le monde vivant, notamment chez les végétaux.
S’il est démontré depuis plusieurs années que ces CCD peuvent induire des réponses IgE, le rôle clinique de ces IgE anti-CCD fait toujours l’objet de discussions.
1- Pertinence clinique des CCD animaux
Il n’existe pas chez l’Homme de glycannes portant la séquence terminale, non fucosylée, galactose-α 1,3-galactose (cf. figure ci-dessous).
Ces structures, dites « alpha-Gal », peuvent donc être immunogènes pour l’Homme.
Les CCD dérivés des plantes n’ont en tout cas jamais été (jusqu’à présent !...) impliqués dans des anaphylaxies, ce qui explique le retentissement de l’étude de Chung et al. en 2008, qui mit en évidence que des IgE anti-galactose-alpha-1,3- galactose (alpha-Gal), un épitope glucidique (non dérivé des plantes, mais d’origine animale) connu dès 2005 , et précisé par deux autres études en 2007 , pouvaient être responsables de réactions cliniques sévères, voire fatales.
2- Historique de la mise en évidence des IgE anti alpha-gal
Chung et al ont en effet étudié les sera de patients ayant présenté des réactions d’hypersensibilité au Cetuximab, un anticorps monoclonal utilisé depuis 2005 (AMM en Juin 2004) dans le traitement de certains cancers. Ils ont montré la présence et la responsabilité d’IgE se liant au Cetuximab et spécifiques de l’alpha-Gal, épitope glucidique porté par le Cetuximab.
Le Cetuximab est un anticorps monoclonal chimérique (souris-homme) IgG1, dirigé contre un récepteur du facteur de croissance de l’épiderme « the epidermal growth factor receptor » (EGFR).
Plus précisément, l’IgE-réactivité était dirigée contre un disaccharide, un galactose-alpha 1,3 galactose (Gal-1,3-Gal, aussi appelé « alpha-Gal »), qui faisait partie des glucides du Fab .
Rapidement, des réactions au Cetuximab, parfois sévères, avaient été signalées, à une fréquence globale de 1 à 3%.
La faible fréquence (inférieure à 1%) des réactions constatées dans certaines régions du Nord Est des Etats-Unis, contrastait avec environ 20% de réactions, parfois sévères, présentées par des patients traités dans certaines régions du sud-est des Etats-Unis .
Entre 2005 et 2007, plusieurs revues des cas signalés ont permis de préciser que la plupart de ces réactions survenait quelques minutes après le premier contact avec le Cetuximab et pouvaient s’apparenter à une anaphylaxie IgE-médiée .
Il a vite été vérifié que ces réactions étaient liées à des anticorps IgE préexistants, (c’est-à-dire présents dans le sérum de certains patients avant tout contact avec Cetuximab ) dirigés contre le galactose-alpha-1,3-galactose (alpha-Gal), un oligosaccharide du fragment Fab de la chaine lourde de cet anticorps monoclonal .
Une étude française , publiée en 2009, a établi la pertinence clinique des IgE anti-galactose-alpha-1,3-galactose au moyen de tests cutanés au Cetuximab.
3- Répartition des alpha-gal dans le règne animal et implication clinique
Outre cette liaison à l’Erbitux© (cetuximab), ces IgE « préexistantes » se lient aussi à toute une gamme de protéines de mammifères (chat, chien, LDV, porc notamment) mais pas aux acariens ni aux pollens, ce qui est compatible avec l’expression connue des alpha-Gal sur de nombreuses protéines de mammifères non primates.
Des travaux menés en ImmunoCAP ont identifié par ailleurs une forte corrélation entre la spécificité de ces IgE et une histoire caractéristique d’anaphylaxie ou d’urticaire sévère, 3 à 5 heure après consommation de viande rouge, là aussi la plupart des patients venaient du Sud Est des Etats-Unis .
Pour ces patients, la consommation de poulet, dinde ou poisson était parfaitement tolérée.
L’étude de l’équipe de Platt-Mills a également montré que les liaisons des IgE avec des protéines du chat, du chien, du bœuf et du porc mais aussi avec Cetuximab étaient inhibées par le galactose-α-1,3-galactose soluble.
Une étude espagnole publiée en 2011 a présenté 5 cas d’anaphylaxie retardée à la viande rouge (Jusque là, seuls 2 cas avaient été signalés en Europe), avec démonstration de la présence d’alpha-Gal-sIgE.
Dernièrement, lors du CICBAA 2011, M.Morisset a rapporté les résultats d’une étude (en cours de publication) portant sur 17 patients ayant présenté une allergie alimentaire aux rognons de porc ou de bœuf, dont 13 anaphylaxies.
La consommation d’alcool était le principal cofacteur.
Les patients testés avaient tous des IDR positives pour le Cetuximab, ainsi que des IgE vis à vis de l’alpha-gal.
Selon l’auteur, l’allergie aux rognons est liée à la présence d’IgE anti-alpha Gal, la sévérité clinique étant probablement liée à la forte teneur en alphaGal de cet abat.
4- Piège diagnostique
La présence d’IgE anti-alpha-Gal peut être à par ailleurs à l’origine d’erreurs de diagnostic d’allergie/sensibilisation au chat chez des patients parasités.
Les α-Gal sont en effet responsables de la liaison des IgE aux IgA de chat, un allergène du chat récemment identifié porteur d’alpha-Gal (Fel d 5).
Les tests d’IgE réactivités peuvent donc être faussement positifs pour certains allergènes du chat en zone d’endémie parasitaire comme cela a été montré en Afrique centrale .
Les auteurs recommandent d’utiliser, en zone parasitaire, des tests d’IgE-réactivité pour Fel d 1 et d’autres allergènes du chat sans carbohydrates pour établir l’IgE-réactivité pour le chat.
L’affaire avait été suspectée dès 2006, lors d’un travail d’Adédoyin et coll. sur les immunoglobulines de chat. Par la suite, les mêmes auteurs ont montré que, parmi 21 patients positifs in vitro pour les IgA de chat, seuls 4 restaient positifs après déglycosylation de ces IgA. Des épitopes IgE-réactifs de nature glucidique étaient donc présents sur les IgA de chat. Cette réactivité concernait plus précisément la chaîne lourde des IgA .
5- Mécanismes de sensibilisation allergénique aux alpha-gal
La plupart des personnes ont des anticorps IgG contre alpha-Gal mais pourquoi certaines personnes ont des IgE alors que des personnes d’autres régions n’en ont pas ?
D’où venaient ces IgE préexistantes, quelle exposition « naturelle » au galactose-α-1,3-galactose pouvait induire la production d’IgE chez certaines personnes ?
Il ne s’agissait probablement pas de facteurs non spécifiques car il n’a pas été retrouvé de corrélation avec des IgE pour d’autres allergènes que les alpha-Gal.
Les facteurs que l’on a suspectés initialement incluaient l’histoplasmose, les amibes, les morsures de tiques, les coccidioïdomycoses, les nématodes ou les cestodes.
Quelques témoignages ont rapidement orienté les recherches vers les morsures de tiques ; les régions en cause aux Etats-Unis correspondaient à l’aire de répartition d’une tique (Amblyomma americanum) et sur les 5 patients de l’étude espagnole 4 rapportaient des morsures de tiques (probablement Ixodes ricinus) dans les mois précédents les manifestations d’allergie alimentaire.
En 2009, Van Nunnen avait déjà soutenu depuis des années que des patients ayant présenté des réactions généralisées ou sévères aux morsures de tiques pouvaient développer une allergie à la viande. (En l’occurrence il s’agissait d’Ixodes holocyclus) .
Effectivement, la responsabilité des tiques dans l’induction des IgE-anti alpha-Gal chez des sujets allergiques à la viande a été confirmée en 2011 par l’équipe de Platt-Mills .
Des études complémentaires seraient nécessaires pour préciser la prévalence des IgE-alpha Gal en France, ainsi que la corrélation de ces IgE avec le taux de réactions sévères observées.
6) Conclusion
C’est le premier exemple où un ectoparasite est à l’origine d’une forme importante d’allergie alimentaire.
Le plus important est que ces IgE anti alpha-Gal sont douées d’une allergénicité véritable, contrairement aux « CCD classiques » : elles peuvent générer des réactions cliniques, parfois sévères.
Les structures glucidiques alpha-Gal ébranlent donc le dogme de l’innocuité des CCD.
Quels outils pour détecter la présence d’IgE anti-CCD ?
La broméline
Cette cystéine protéase est extraite de l’ananas . On l’utilise pour ses propriétés protéolytiques . Quelques cas d’asthme professionnels dus à la broméline ont été décrits , la sensibilisation à la broméline ne s’accompagnant qu’exceptionnellement d’allergie alimentaire à l’ananas .
En dehors d’une exposition professionnelle, la broméline a une relevance clinique extrêmement limitée :
- parmi 60 sujets non exposés, Baur a trouvé 2 cas où le TC pour la broméline était positif ; mais cette positivité ne s’accompagnait pas d’une expression clinique (TPB et TPO négatifs)
- et, s’agissant de l’ananas, sur les 4535 sujets avec suspicion d’allergie respiratoire chez qui Mari a réalisé un TC avec la broméline, seuls 4 ont été trouvés positifs ; si ces 4 patients rapportaient un syndrome oral avec l’ananas, une confirmation de la réalité de cette allergie n’a pas été entreprise .
Aussi, la broméline a été très tôt choisie comme témoin d’une réactivité de type CCD car le risque d’une véritable sensibilisation (= des IgE dirigées vers des épitopes peptidiques) était suffisamment faible pour que cette glycoprotéine joue le rôle de « glyco-reporter ».
La broméline possède une seule chaîne glucidique. Celle-ci est majoritairement du type MUXF (cf. figure ci-dessous) .
On a beaucoup utilisé la broméline comme glyco-reporter mais aussi dans des tests d’inhibition. Dans ces expériences, l’origine de la broméline est souvent industrielle (ex. Sigma), avec un degré de pureté parfois mis en doute.
Une autre façon d’utiliser la broméline est de couper la protéine avec une protéase, d’isoler les fractions comportant la chaîne glucidique (les « glyco-peptides ») et de coupler ces derniers avec une autre protéine non glycosylée au départ. Par exemple l’albumine bovine. On obtient alors une néo-glycoprotéine, dénuée d’épitopes peptidiques, et donc sensée n’être reconnue que par des IgE anti-CCD. Un couplage entre des glyco-peptides de broméline (qui sont de type MUXF) et la bovalbumine est produit et distribué par Altmann à Vienne. C’est la « MUXF-BSA ».
Un test in vitro pour la broméline est disponible en CAP Phadia et en Immulite Siemens. De plus, Phadia propose un CAP comportant des glyco-peptides de broméline et dénommé « MUXF3 ».
La peroxydase de raifort
Cette enzyme est extraite de la racine du raifort (Armoracia rusticana). Elle est très souvent utilisée dans des techniques d’immuno-analyse pour la révélation de la réaction. Elle est classiquement nommée « HRP », de son nom anglais horseradish peroxidase. On ne connaît pas de cas d’allergie due à l’HRP.
Mari a trouvé 8% de TC positifs avec une HRP (Sigma) testée systématiquement chez 1076 patients consultant pour une suspicion d’allergie respiratoire . Ce résultat n’a pas été confirmé par d’autres études. Il se peut qu’il s’agisse d’un arte fact ou d’une contamination (origine industrielle de l’enzyme, concentration utilisée 0,5 g/l).
Huit sites de glycosylation sont présents sur l’HRP, 7 au moins étant occupés . Les glycannes d’HRP sont principalement de type MMXF (cf. figure ci-dessous), avec un peu de MMF et de MMX, etc.. .
Il est possible de tester l’IgE-réactivité pour l’HRP en CAP (code O400), bien que ce CAP ne fasse pas partie pour le moment du catalogue.
L’ascorbate oxydase
Cette enzyme est tirée de la courgette et possède 3 chaînes glucidiques . Ses glycannes sont surtout MMXF et MMX, avec un peur de GnMXF . Ce glyco-reporter est testable sur Immulite Siemens.
D’autres glyco-reporters
- la phospholipase A2 de l’abeille (Api m 1) est, comme la broméline, disponible en test in vitro depuis longtemps. Elle est parfois utilisée comme glyco-reporter . Ses glycannes sont très variés et ceux comportant un fucose 1,3 sont relativement minoritaires (35% ). A noter qu’Api m 1 se présente également à l’état naturel sous une forme non glycosylée.
- le pollen de colza a été beaucoup étudié par l’équipe de Peltre . Il semble riche en CCD car positif chez 80-100% de patients allergiques aux venins d’hyménoptères ou aux pollens . Son usage en tant que glyco-reporter est amendé par la réalité des pollinoses au colza, même si celles-ci sont peu fréquentes (cf. Colza).
- certains auteurs ont utilisé un mélange de glyco-peptides obtenus après protéolyse d’un extrait de graminées
Des méthodes indirectes
Elles font appel à des mesures comparatives :
- on peut « capturer » les IgE anti-CCD à l’aide d’une glycoprotéine (ex. la broméline) ou de glycopeptides, et regarder si cela change l’IgE-réactivité (ex. )
- on peut comparer la réactivité de l’allergène naturel glycosylé à celle de son recombinant non glycosylé (ex. produit dans E. coli)
- on peut modifier l’allergène ou les glycoprotéines de l’extrait en oxydant les chaînes glucidiques (ex. à l’aide de periodate) et en mesurant l’effet sur l’IgE-réactivité sérique des patients
- on peut aussi couper les chaînes glucidiques avec une PNGase
Mais les méthodes qui touchent à l’intégrité de la protéine en s’attaquant à ses glucides ont un inconvénient : on ne sait pas toujours si cette opération ne modifie pas en même temps les épitopes peptidiques dans leur conformation spatiale. De sorte qu’un doute subsistera pour interpréter une baisse d’IgE-réactivité.
Quel glyco-reporter choisir ?
Existe-t-il des situations où un glyco-reporter serait à préférer à une autre ? La question revient à rechercher, par exemple, si la broméline est parfois positive et l’HRP négative, ou vice versa.
Malgré le nombre important de travaux concernant les CCD, on possède peu d’études où cette comparaison puisse aider à répondre à cette question :
- tout d’abord le CAP « MUXF3 » ne donne pas de résultats significativement différents de ceux du CAP broméline . On peut utiliser indifféremment l’un ou l’autre.
- il est très rare de trouver un test HRP positif avec une broméline négative en CAP , la règle étant que tous les tests HRP positifs sont positifs en broméline . Cela est différent avec les tests effectués sur Immulite où l’HRP se révèle plus sensible que la broméline
- cet écart de sensibilité se retrouve entre broméline et ascorbate oxydase sur Immulite , laquelle est également plus souvent positive que la broméline en CAP ou le CAP MUXF3 .
Pour Jappe, l’HRP est le meilleur choix dans le cas des venins d’hyménoptères . Mais il faut bien voir que si jamais un test HRP est positif avec un test broméline négatif, cela se produit dans les zones de très faibles réactivité (< 0,5 kU/l).
Le test HRP Phadia n’étant pas encore officiellement commercialisé, le CAP broméline sera donc préféré en première intention comme glyco-reporter pour des questions réglementaires (ex. prise en charge SS).
Comment interpréter le résultat d’un glyco-reporter ?
On ne peut malheureusement retrancher les kU/l obtenus avec le glyco-reporter (ex. la broméline) des kU/l des autres tests (ex. du CAP arachide) .
Non seulement les contenus en glycannes diffèrent qualitativement d’un extrait à un autre, mais les patients eux-mêmes présentent des profils d’IgE-réactivité glucidique très variés. Quand on effectue des tests d’inhibition avec broméline ou HRP on constate que certains sérums sont « plutôt broméline » tandis que d’autres sont « plutôt HRP ».
On se sert donc du glyco-reporter de façon indirecte :
- il est négatif : les résultats in vitro peuvent être interprétés tels quels
- il est positif : tout ou partie des kU/l pour les extraits (ou les allergènes) « CCD-sensibles » relève d’une IgE-réactivité CCD.
Quelques petites remarques :
- un résultat de glyco-reporter positif ne signifie pas que le résultat in vitro pour un autre test (ex. arachide) est complètement faux : un patient véritablement allergique à l’arachide peut très bien être positif pour la broméline (ex. ). Idem pour un allergène purifié comme Ole e 1 .
- observer la présence d’IgE anti-CCD dans le sérum du patient ne signifie pas que tous les tests in vitro sont touchés. Les résultats pour les acariens, les phanères, l’œuf, le lait, etc.. ne sont pas concernés . Une petite suspicion existe seulement pour certains invertébrés comme les blattes ou la moule , par exemple.
- ce n’est pas parce qu’aucun allergène glycosylé n’a été (jusqu’à présent) identifié au sein d’un produit allergisant que ce dernier sera exempt d’une réactivité CCD. En effet, de multiples protéines co-existent à côté des allergènes dans l’extrait qui sert au test. Et rien ne dit que ces protéines ne sont pas des glycoprotéines. Il faut donc se méfier de tous les tests basés sur des extraits de produits d’origine végétale et de tous les venins d’hyménoptères.
On le voit, l’utilisation d’un test glyco-reporter n’est qu’un pis-aller. Une meilleure solution serait de pouvoir effectuer des tests in vitro « CCD-free ».
Des tests in vitro exempts de réactivité CCD ?
L’option recombinants
Une solution pour éviter la réactivité CCD est d’effectuer les tests avec des protéines non glycosylées. Certaines le sont naturellement (ex. Bet v 1, Pru p 3, Phl p 5). Pour les autres, une option possible est leur production sous forme recombinante dans E. coli afin d’obtenir des allergènes non glycosylés.
Mais le nombre de recombinants non glycosylés disponibles sur le marché du diagnostic in vitro est limité : 34 chez Phadia, s’agissant d’allergènes végétaux (juillet 2009). Et ces 34 ne représentent que 11 produits allergisants différents.
Pour de multiples pollens (frêne, Cupressacées, ..) et aliments (sésame, fruits à coque, kiwi, etc..), de même que pour les venins d’hyménoptères, on n’a pas de solution avec des recombinants non glycosylés en CAP.
Une gamme plus étendue est présente sur la « puce » ISAC. Mais ce multi-test, en plus de son coût à la charge du patient, n’incorpore pas de spots avec les extraits des produits correspondant aux différents allergènes fixés sur la puce. Aussi, malgré le nombre élevé de résultats, il sera toujours possible de trouver un ISAC négatif pour tous les allergènes d’un produit donné, quand un CAP sur l’extrait de ce produit aurait été positif.
La solution des recombinants est séduisante. Elle fait gagner indiscutablement en spécificité. Mais, faute de pouvoir jamais inclure tous les allergènes des produits testés, elle restera déficitaire en sensibilité par rapport aux tests sur extrait.
L’option extraits
On pourrait traiter les extraits « CCD sensibles » avec du periodate afin de préparer des CAP sans IgE-réactivité CCD. Mais on ne peut garantir que ce traitement chimique ne va pas modifier en même temps la réactivité que l’on recherche, la réactivité peptidique.
C’est pourquoi la meilleure solution pour tester des extraits est plutôt de regarder du côté des IgE : de faire en sorte que les IgE anti-CCD ne participent pas à la réaction au cours du test in vitro.
Alors que le « problème des CCD » est connu depuis de longues années, aucune solution technique de ce type n’a été proposée par les industriels du diagnostic jusqu’à présent. Les travaux publiés sont, ceci dit, peu nombreux également..
Une première solution est de « capturer » les IgE anti-CCD avant de pratiquer la mesure. Altmann a préconisé l’emploi d’une phase solide (aisément séparable du sérum avant mesure) sur laquelle seraient greffés des glyco-peptides . Plus récemment, son équipe a présenté un prototype de cartouche contenant une résine . Dans les 2 cas l’idée est de retenir les IgE anti-CCD, de les « capturer », afin de ne mesurer après que l’IgE-réactivité résiduelle dans le sérum.
Cette voie a été tentée aussi sous la forme d’une capture sur micro-plaques avec un mélange de broméline et d’HRP .
Plus simple est cependant de traiter directement le sérum par un réactif contenant une quantité suffisante de glycoprotéines pour « occuper » toutes les IgE anti-CCD . Dans cette approche, un mélange de broméline et d’HRP a été choisi afin de couvrir au mieux la diversité des IgE-réactivités CCD d’un extrait à un autre et d’un patient à un autre. Par ailleurs, de fortes concentrations en broméline et HRP ont été employées afin d’« occuper » également toutes les IgG anti-CCD, faute de quoi des IgE anti-CCD pourraient rester libres et disponibles pour le test in vitro.
Des travaux complémentaires sont nécessaires pour valider cette méthode. Mais ce pourrait être une bonne option, en complément ou en amont des recombinants.