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Fabacées et bouleau
Sunday 25 May 2008, by
Pendant longtemps les PR-10 ont représenté le modèle de l’allergie croisée entre pollens et aliments végétaux.
Le syndrome bouleau-pomme, étendu aux fruits des Rosacées ainsi qu’aux Apiacées (comme le céleri) a semblé confiné à quelques familles botaniques. Le cas de la noisette était un peu à part, celle-ci étant au sein-même de la famille des Bétulacées.
Mais en 2002, Kleine-Tebbe a ouvert la voie à une autre allergie croisée entre le bouleau et des produits d’origine végétale : des patients ayant eu une réaction anaphylactique après ingestion d’un supplément nutritionnel contenant un isolat de soja étaient tous polliniques au bouleau.
Il s’est avéré que ces réactions étaient dues à la présence d’un homologue de Bet v 1 dans le soja : Gly m 4.
Peu après, d’autres équipes ont décrit des patients avec pollinose au bouleau et réactions cliniques pour l’arachide et pour les pousses de soja .
Ces observations sont venues recouper les résultats de plusieurs travaux montrant une fréquence non négligeable de réactions cliniques ou de tests cutanés positifs parmi des patients recrutés pour pollinose au bouleau, allergie à l’arachide ou au soja, ou allergie à la cerise.
Le tableau ci-après donne un aperçu de ces relations cliniques et/ou immunologiques entre Fabacées et bouleau.
HC+ = histoire clinique positive / TC+ = test cutané positif / CAP+ = test in vitro CAP positif
TPODA = test de provocation par voie orale en double aveugle
A la lecture de ce tableau, plusieurs constatations s’imposent :
– il s’agit essentiellement de patients adultes résidant dans un environnement à forte pression pollinique due au bouleau
– des réactions sévères peuvent survenir alors que les PR-10 étaient réputées jusqu’alors ne pas supporter la chaleur (ex. fruits des Rosacées)
– le syndrome s’étend éventuellement au lupin et au pois, le haricot n’étant cité qu’un seule fois
Quel est l’impact de cette allergie croisée en France ? Il est difficile de répondre à cette question.
Des données en provenance du CICBAA tendraient à montrer un tableau différent de celui observé en Allemagne ou en Suisse : si 50% des enfants non polliniques (< 3 ans) allergiques à la noisette avaient une allergie à l’arachide, aucun des 19 adultes avec allergie à la noisette n’avait d’allergie à l’arachide. Comme on peut supposer que ces patients étaient fréquemment polliniques au bouleau (Nancy), l’absence de co-allergie à l’arachide est significative.
Des études complémentaires et/ou des résultats plus détaillés de la banque CICBAA seraient utiles.
Si l’âge des patients n’est pas un critère définitif séparant d’une part des enfants avec allergies classiques à l’arachide et/ou au soja et d’autre part des adultes avec allergie croisée due au bouleau, plusieurs constatations montrent un profil assez différents entre enfants et adultes :
- parmi 30 cas d’allergie au soja (TPODA ou anaphylaxie), 17 patients étaient positifs pour rBet v 1 et 9 étaient négatifs :
- les 17 positifs pour rBet v 1 sont tous des adultes, ont des résultats en CAP assez faibles pour le soja et l’arachide, très inférieurs à ceux de rBet v 1 et rGly m 4 ; et le syndrome oral domine le tableau clinique chez ces patients.
- parmi les 9 patients négatifs pour rBet v 1 on rencontre 2 enfants, 4 cas d’anaphylaxie et des résultats nettement plus forts in vitro pour le soja et/ou l’arachide dénotant une sensibilisation différente (cf. figure ci-dessous)
Dans la série de 22 adultes rapportée par Mittag , l’âge moyen de début de l’allergie au soja était de 21 ans;
Et dans un autre travail de la même équipe, concernant cette fois l’allergie à l’arachide chez 20 adultes , les patients ayant commencé leur allergie avant l’âge de 8 ans étaient plus souvent positifs pour des allergènes indiquant une sensibilisation directe à l’arachide (Ara h 1, Ara h 2, Ara h 3).
L’allergie à l’arachide du jeune enfant n’exclut pas, bien sûr, la survenue d’une pollinose par la suite.
On aura donc un continuum entre des patients purement arachide (et/ou soja) et des sujets avec syndrome bouleau-arachide (et/ou soja).
Il est notable de constater que 7 des 8 réactions allergiques sévères déclarées au R.A.V. entre janvier 2008 et mai 2010, et dont la responsabilité provenait d’une réactivité aux PR-10, concernaient des adultes (6 cas soja et 1 cas arachide). Ceci rejoint les constatations de Jacquenet .
L’exploration des réactivités pour les recombinants rBet v 1, rGly m 4 (soja) et rAra h 8 (arachide) peut donner une indication étiologique car souvent on constate :
– Bet v 1 > Gly m 4 ou Ara h 8 > soja ou arachide en cas de syndrome bouleau-Fabacées pur. Le CAP soja peut même être négatif alors que le CAP rGly m 4 est, lui, nettement positif
– Arachide et/ou soja >> Ara h 8 et/ou Gly m 4 en cas d’allergie directe aux Fabacées, même en cas de pollinose
D’ailleurs le rôle de la pollinose n’est pas électivement lié aux PR-10 du bouleau (et des autres Bétulacées) : une pollinose aux graminées est fréquemment associée , au point que certains auteurs ont même trouvé une association pollen-arachide plus significative avec les graminées qu’avec le bouleau .
Dans une étude Néerlandaise, la proportion d’allergiques (TPO) parmi des patients avec TC arachide positif différait peu, que les sujets soient rBet v 1+ ou profiline+, ou les deux .
En Italie, de Martino avait rapporté 23% de tests cutanés positifs parmi des enfants mono-polliniques aux graminées . Cependant, aucun des enfants positifs n’avait une allergie à l’arachide.
Pourtant le rôle déclenchant du bouleau est constamment retrouvé dans les tests de réactivité croisée ainsi qu’en histamino-libération .
Une tentative de gradation des réactivités croisées pourrait être : Bet v 1 > Ara h 8 > Gly m 4 > Vig r 1 (pousses de soja).
A noter, de ce point de vue, une relative dissociation entre Fabacées et Rosacées car, si Bet v 1 est capable d’inhiber la réactivité de Pru av 1 (cerise), ni Ara h 8 ni Gly m 4 ne sont très efficaces vis-à-vis de Pru av 1 . Les épitopes croisants entre bouleau et cerise sont probablement en partie différents de ceux existant entre bouleau et arachide ou soja.
Au total, l’association bouleau-Fabacées doit être envisagée devant des symptômes, même légers, pour l’arachide et le soja (y compris ses dérivés).
Il en est de même pour d’autres Fabacées : les pousses de soja mais aussi le pois et le lupin. En effet, même si des travaux complémentaires sont souhaitables, l’homologie entre la PR-10 du soja, Gly m 4, et les PR-10 de pois (70% d’identité), de lupin (57%), voire de haricot (81%) incite à conserver à l’esprit une possible association avec le bouleau en cas de réactivité pour ces Fabacées.
La forme de consommation est aussi à prendre en considération, les risques étant vraisemblablement plus grands avec des protéines ajoutées à un aliment manufacturé (ex. isolat) qu’avec des graines cuites dans l’eau de manière classique.
(voir aussi : Soja : diagnostic)